mercredi 27 janvier 2021

Congo Inc. Le Testament de Bismarck - In Koli Jean Bofane

Ma bonne résolution de l'année, c'est de reprendre sérieusement mon Tour du monde, car j'ai une PAL d'une soixantaine de pays qui ne demandent qu'à être parcourus. Le mois de janvier est donc placé sous le signe de la République Démocratique du Congo, qui sera le quarantième pays de ce voyage.


L'histoire

Depuis qu’il a découvert l’Internet et la mondialisation, le jeune Isookanga, Pygmée ekonda, n’a plus qu’un objectif : planter là les cases, les traditions, les ancêtres et la forêt millénaire pour aller faire du business à Kinshasa. Il débarque donc un matin dans la capitale, trouve l’hospitalité auprès des enfants des rues et s’associe avec un Chinois qui fait commerce de sachets d’eau potable. L’avenir est à lui !
Pendant ce temps, à Kinshasa et ailleurs, le monde tourne moyennement rond : des seigneurs de guerre désœuvrés aux pasteurs vénaux, des conseils d’administration des multinationales aux allées du Grand Marché, les hommes ne cessent d’offrir de preuves de leur concupiscence, de leur violence, de leur bêtise et de leur cynisme.
Qui sauvera le Congo, spolié par l’extérieur, pourri de l’intérieur ? L’innocence et les rêves, les projets et la solidarité.

Mon avis

Nous avons ici un roman assez court, le français est la langue originale, ponctuée d'autres langues nationales, mais aussi d'expressions typiquement congolaises : les notes de bas de page sont bienvenues pour ne rien perdre des dialogues. J'ai adoré le style, que j'ai trouvé très vivant et qui nous plonge immédiatement dans l'histoire. La majorité du roman se passe à Kinshasa, qui est, rappelons-le, la plus grande agglomération francophone du monde.

C'est en quelques sortes un "roman de la mondialisation", avec tous ses travers. Et quoi de mieux pour l'illustrer que "Raging trade", un jeu vidéo fictif à travers lequel le personnage découvre la mondialisation et qui illustre la trame principale. J'ai trouvé que c'était une super idée.

Le personnage principal est amusant et attachant (même si c'est un c**** de capitaliste assumé !! vous apprécierez le tour de force), son parcours nous amène à découvrir une kyrielle de personnages très divers qui croisent sa route à un moment ou un autre : un criminel de guerre, un Casque bleu corrompu, une enfant prostituée, un enfant soldat, des enfants des rues sans famille... Chaque chapitre se concentre sur l'un d'entre eux.

Le roman alterne très habilement les passages au ton léger (quand bien même les personnages ont la vie dure) et qui me faisaient souvent éclater de rire (qui a dit que la lecture, c'est morne et calme !!), et les passages beaucoup plus durs à lire, qui décrivent les violences qui ravagent le pays, notamment le génocide du Rwanda, pays frontalier avec la RDC et qui a aussi affecté son voisin - ce que j'ignorais. C'est donc l'ascenseur émotionnel tout du long, ce qui contribue à rendre ce bouquin marquant.

J'ai envie de mettre une petite citation qui illustre je trouve très bien le style, l'humour... C'est l'extrait d'un prêche d'un révérend sur Sodome et Gomorrhe (j'ai adoré ce personnage - lui aussi horrible - il m'a fait rire tout du long.)

"Dieu n'est pas le pape, mes bien-aimés. Lui, il n'attend pas qu'il y ait prescription."

Ça, c'est du prêche ! Si tout le monde nous racontait la Bible comme ça... (ouais, non, ça risquerait de faire des remous !)

Forcément, le livre parle aussi des organisations humanitaires, et n'en donne pas une vision hyper positive, un discours qu'on n'entend pour ainsi dire jamais en Occident. Cette critique est couplée à une critique du capitalisme ici poussé à outrance et qui fait le malheur du pays, or le livre nous rappelle que ces organisations humanitaires sont elles aussi au service de la mondialisation.

L'épilogue est aigre-doux et fait le bilan des drames du Congo depuis la colonisation par les Allemands (d'où le sous-titre). C'est un happy end pour le personnage principal, mais il laisse présager une catastrophe écologique imminente.  

Une étape de mon tour du monde

jeudi 21 janvier 2021

La formule de Dieu - J.R. dos Santos

Alors... j'ai pioché ce bouquin dans ma PAL, car je cherchais un truc plus léger après Le prince des marées. C'est le bon côté d'une PAL riche, me suis-je dit sur le moment, on a un livre pour chaque occasion (mais une seule paire de chaussures, il faut choisir...)

L'histoire

Printemps 1951, deux espions de la CIA épient une rencontre de la plus haute importance entre David Ben Gourion, « premier » Premier Ministre de l'État d'Israël, et Albert Einstein. L'objet de leur discussion : l'obtention de l'arme nucléaire par le jeune état juif et l'existence de Dieu.

Cinquante ans plus tard, Tomas Noronha, expert en cryptologie, est appelé au Caire par une mystérieuse jeune femme. Sa mission : déchiffrer un cryptogramme caché dans un document détenu par le gouvernement de Téhéran. Un manuscrit écrit de la main d'Albert Einstein dont le contenu pourrait bousculer l'ordre mondial. Tomas Noronha devient alors un agent double censé collaborer avec les Iraniens pour informer l'Occident. Mais au cours de son enquête, il découvre que le fameux manuscrit contient beaucoup plus de choses que ne l'espéraient ses différents commanditaires. Il serait tout simplement la preuve scientifique de l'existence de Dieu.

Mon avis

Ben oui, que voulez-vous, j'ai passé mon temps à insulter le protagoniste


Alors... pour le côté livre intercalaire qui se lit vite fait entre deux bouquins plus "intenses", le contrat est rempli. Mais. Nous revoilà avec un protagoniste de type crétin naïf comme un lapin de 3 semaines dont on voit venir les emmerdes à 10 km. Il ne sait rien, ne comprend rien, il m'éneeeeeeerve. Je n'arrêtais pas de penser à notre ficus du Livre des rois, qui avait placé la barre très haut en termes de personnages écrits avec les coudes, mais ce dernier avait au moins l'excuse de la jeunesse.

Et que je t'hypersexualise le love interest qui avait l'air bien plus intéressante, coucou le syndrome Trinity, alors que lui, on sait à peine à quoi il ressemble, et que je suis prompt à pardonner un père absent, TU M'ÉTONNES, il est censé avoir un gosse à qui il ne pense pas de tout le bouquin (alors qu'il frôle la mort), il aurait eu un hamster ou un acarien de compagnie c'était PAREIL niveau enjeu.

Une jolie femme m'accoste dans la rue ? C’est forcément mon charme inconditionnel, elle est folle de moi. (Maintenant que j'y repense, une femme dans la même situation se serait barrée en courant et aurait appelé les flics, pouf pas d'intrigue, ça a du bon finalement). Et dès qu’une femme le regarde, elle tombe forcément sous son charme sans arrière-pensée. Messieurs, à votre place, je me vexerais. D'un autre côté... il faut avoir lu ça pour vraiment apprécier un beau personnage ou une belle histoire d'amour bien écrits, alors... merci ?

Allez, lui aussi a le droit à son Ficus d'or.


Puisque je perdrais foi en l'humanité si je ne pouvais pas dire un truc bien minimum sur un bouquin, le positif. Il y a beaucoup de passages qui traitent de physique, c'est dur à suivre pour moi (mais on s'accroche, à part quand on nous explique ce qu'est une anagramme, mais pas l'entropie) car je suis une bille, mais ça m'a donné envie de creuser la question, donc tout n'est pas perdu. Au début, je me disais que les personnages étalent beaucoup leur science, que ça plombe le récit, mais finalement c'est le seul truc intéressant du bouquin, la partie romancée est très mal écrite donc on ne perd rien, donc on garde. 

Car oui, la partie romancée est importante dans ce genre de format, sinon autant regarder une conférence ou lire un livre de vulgarisation, et là, c'est bourré d'incohérences.

On amorce l'intrigue avec un manuscrit écrit en allemand par Einstein et le recrutement de cretinus premier, cryptologue, mais aussi historien, portugais. QUI IL NE CONNAIT PAS L’HISTOIRE DE SON PROPRE PAYS, B*****. Pas du tout approfondi, nous l'avons déjà dit, recruté pour déchiffrer un truc absolument pas écrit en allemand, alors qu’en fait si. Qui se la pète en disant qu'il a quand même des bases en allemand alors qu'il n'a même pas fait un cours de sixième.

La relation amoureuse, on n'y croit pas une seconde, c'est un fantasme masculin débile. Je crois que les mots "Mais quel ramassis de connerie" ont fusé au moment de l'apothéose sur fond de violons, pas sûre que c'était l'intention de l'auteur.

Et maintenant, un petit quizz, pour voir si vous aussi, vous êtes un petit génie. On vous explique qu'un personnage détient la clé de tout. Vous :

A. Allez le voir
B. Restez dans votre coin à chouiner pendant plusieurs chapitres pour mettre en place un compte à rebours débile censé apporter du piment à l'intrigue.

Il fallait répondre B, bien sûr...

Son père fume comme un pompier et meurt du cancer du poumon ? Il ne fait pas le lien et engueule le médecin qui le lui explique, tellement c’est un gros c******. J'aurais pu continuer des heures tellement c'est une catastrophe.

Pour résumer... dommage que des idées si intéressantes et ces tentatives de vulgarisation passionnantes soient reliées par une narration aussi pauvre, peu inspirée et cousue de fil blanc. Autant lire un ouvrage technique en ce cas. 

Et la fin… ne répond pas vraiment à la question du bouquin qui s'intéresse à dieu en tant qu’entité créatrice à l'origine du big bang et nous laisse avec une réponse digne de la poule et l’œuf. Moi je vous laisse, je vais aller me faire une omelette.

lundi 18 janvier 2021

Le prince des marées - Pat Conroy

Nous retournons aux Etats-Unis, cette fois-ci en Caroline du Sud, dans une fresque familiale qui n'est pas sans me faire penser à Là où chantent les écrevisses... et les deux bouquins m'ont été recommandés par la même personne, comme quoi il y a des jolis hasards qui ne s'inventent pas.

L'histoire
Au cœur des somptueux paysages maritimes de la Caroline du Sud, cette « histoire d'eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes » fouille la mémoire d'une famille troublée, dans un Deep South encore marqué par la ségrégation raciale.
Tom, Luke et Savannah Wingo ont été élevés à la dure, entre joies et tragédies, par un père pêcheur de crevettes, alcoolique et violent, et une mère fantasque et mythomane. C'est cette vie-là que va raconter Tom à la psychiatre Susan Lowenstein après la énième tentative de suicide de sa sœur, désormais installée à New York. Pour aider la thérapeute à sauver Savannah, Tom accepte de se replonger dans les souvenirs d'une enfance marquée par un terrible secret. Ses confessions, empreintes d'humour et d'émotion, vont faire revivre la bouleversante saga du clan Wingo. Et peut-être leur offrir à tous une chance de rédemption

Mon avis


Ce bouquin est énormément de choses, mais une chose est sûre, il n'est pas léger. C'est un pavé écrit touuuut petit, à ne pas lire quand on est crevé où qu'on n'a pas le temps de s'y plonger, c'est gâché. Il est aussi très dense, c'est un concentré d'émotions qui percute beaucoup, forcément, puisqu'il parle de violences domestiques, de suicide... Mais il aborde aussi des questions de racisme (dans le sud à peine sorti de la ségrégation), de psychiatrie, de féminisme...

Il date de 1986, donc plus âgé que votre servante, et je pense qu'il faut l'avoir en tête quand on lit certaines problématiques abordées. Ce qui m'a frappée, c'est à quel point certains passages n'ont, je trouve, pas pris une ride et auraient pu être écrits de nos jours, je pense notamment aux questionnements sur le féminisme du narrateur. Pour un bouquin écrit par un mec il y a 30 ans, ça mérite d'être noté.

J'ai forcément beaucoup aimé l'humour caustique du narrateur et je n'ai pu m'empêcher de relever une petite citation :

Ceux qui aiment lire sont toujours un peu barjot.

On devrait s'en faire des t-shirts, non ?

J'ai trouvé le début assez lent, s'accélérant à mi-parcours. Ou bien était-ce moi qui, happée par cette fresque familiale, me suis mise à lire plus vite, je ne saurais pas trop dire.

Hors sujet, dans la série des questionnements existentiels, le bouquin émet une théorie : dans une fratrie, il y a toujours le fou, le fort et le terre-à-terre. Voilà faites-en ce que vous voulez, moi ça fait deux mois que je me demande lequel je suis :) 

Le récit, qui navigue entre passé et présent sous la forme d'une succession d'anecdotes rocambolesques en apparence décousues, mais qui forment la trame d'une vie, est entrecoupé d'écrits de Savannah, dont un conte pour enfants que j'ai adoré, et des poèmes.

Outre les questionnements plus généraux, le roman s'intéresse avant tout à la vie et aux expériences des trois enfants Wingo, Luke, l'aîné fidèle à ses racines, Savannah, la poétesse au mal-être poignant qui s'exile à New York et Tom, qui incarne la « normalité » sudiste face à ces deux extrêmes. Mais surtout à leur mémoire, car ce que révèle la thérapie, c'est à quel point la mémoire peut nous jouer des tours. On oublie, on confond, etc. Or parfois, pour se construire, il est nécessaire de se souvenir, même des événements les plus douloureux. Ce qui n'est pas facile quand on vit dans une culture qui préfère cacher les choses.

Par l'opposition entre les jumeaux, Tom et Savannah, entre la Caroline et la vie mondaine new-yorkaise, l'auteur nous dépeint aussi ce que signifie être sudiste, en quoi le contexte particulier de cette région, qu'il soit géographique ou historique, a façonné la mentalité de sa population blanche.

En bref, je vous recommande cette magnifique fresque familiale très intense.

J'ai vu que le livre a été adapté au cinéma, mais je n'ai pas pu voir le film.

samedi 16 janvier 2021

Meurtres en blouse blanche - P.D. James

Petite pause détente entre deux lectures plus conséquentes. Et oui, fatigue oblige, difficile de lire beaucoup sans m'endormir dessus en ce moment, alors autant opter pour un registre plus léger à lire.


L'histoire

Le décor : l'hôpital John Carpendar, imposant établissement d'époque victorienne abritant une école d'infirmières. La première victime : une des élèves, tuée d'une manière particulièrement atroce. Les suspects : les infirmières, et, surtout, la directrice, la formidable Mary Taylor, ses trois « secondes », mais aussi le grand patron, le docteur Courtney-Briggs, dont on découvre bientôt qu'il a eu une liaison avec l'une des victimes. L'enquêteur : le commissaire Dalgliesh, bien sûr, qui, face à des femmes aguerries à la souffrance, dures à la tâche, habituées au secret professionnel et farouchement féministes, aura fort à faire pour dénouer une intrigue dont les ramifications plongent loin dans le passé.

Mon avis


Voilà un moment que je n'avais pas lu de policier. C'est peut-être pour cela que je n'ai pas vu venir le coupable? Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé l'intrigue assez classique, peut être un peu trop détaillée pour ma capacité de concentration actuelle.

Ce qui m'a bien plu en revanche, c'est plus le ton global de la narration, je me suis dit à plusieurs reprises qu'un homme n'aurait jamais écrit comme ça... Ca insiste beaucoup sur l'aspect psychologique, avec un contexte féministe très subtil (le livre est paru dans les années 1970). C'est en cela que le thriller se distingue, seulement trois personnages masculins plongé dans un univers de femmes indépendantes. Ca change des livres où la seule femme est la victime et c'est vraiment appréciable.

mardi 12 janvier 2021

Là où chantent les écrevisses - Delia Owens

Parlons aujourd'hui du bouquin que j'ai lu pour le club de lecture de la bibliothèque, repoussé aux calendes grecques à cause du covid. Un bouquin vers lequel je ne serais sans doute jamais allée spontanément, et c'est un véritable coup de cœur ! Comme quoi, les recommandations, ça a du bon.

L'histoire
Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n'est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l'âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l'abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l'irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même...
Mon avis

Commençons par le commencement. Le titre qui, je l'avoue, ne m'avait pas du tout attirée, fait référence à une expression qui signifie "loin de tout". Ça vous plante le décor.

C'est un livre très émouvant, j'oscillais entre sourire attendri et larmes d'un chapitre à l'autre, quand ce n'était pas les deux en même temps. On s'attache très vite à l'héroïne et l'histoire est très prenante.

L'autrice, biologiste, est très attachée à son personnage à la force très féminine, et aborde donc tous les thèmes qui jalonnent la vie d'une femme (découverte de la féminité, règles, viol...). Moi qui me plains souvent des héros creux et inutiles, j'étais servie ! C'est aussi une ode à la solitude, parfois recherchée, parfois pesante, ce qui plaira aussi aux casaniers introvertis.

Parmi les choses qui m'ont amusée, m'est venue cette remarque : le bouquin parle surtout... de jambon, de fromage, de choses concrètes... (Pardon, mais il parait que les mauvaises blagues, c'est comme l'alcool, faut pas boire ça tout seul !). Ce qui n'a rien d'étonnant pour le récit de survie d'une jeune fille en solitaire, le bouquin parle de bouffe l'air de rien une page sur deux, surtout pendant la première moitié. Ce qui ne fait que nous rendre Kya encore plus sympathique.

Sans trop en dire, j'avoue que la fin m'a laissée un peu perplexe.

Bref, foncez sur ce bouquin, dont on pourrait parler pendant des heures sans lui rendre justice, c'est un petit condensé d'émotions à dévorer.

samedi 9 janvier 2021

Histoire de mes assassins - Tarun Tejpal

Toujours dans la famille retard de chroniques, retrouvons-nous aujourd'hui avec un drôle de bouquin, qui nous vient d'Inde. 


TW : si les questions de viol et violences sexuelles vous "trigger", il vaut sans doute mieux éviter ce bouquin.

L'histoire

Aujourd'hui à Delhi il y a un homme à abattre. Ce journaliste apprend par un flash d'informations, un dimanche matin, qu'il vient d'échapper à la mort et que 5 assassins ont été arrêtés. Il ignore pourquoi on a voulu le tuer. Est-ce parce qu'il a révélé une affaire de corruption au sein du gouvernement indien dans les colonnes de son magazine, ou bien seraient ce les services secrets pakistanais qui auraient décidé de le supprimer? Protégé par une escouade de policiers et assisté de ses avocats, il se retrouve bientôt face à ses tueurs. Tout oppose la vie de ces dangereux criminels nés des entrailles de l'Inde du Nord prêts au crime pour quelques roupies, à celle de l'homme qu'ils devaient éliminer. Chaku, l'as du couteau, Kabir M, l'héritier musulman de la Partition sanglante de 1947, Kalya, l'enfant serpent, Chini son complice de rapines dans la gare de Delhi, et Hathoda Tyagi qui tue au marteau, ont grandi dans la cruauté impitoyable et l'innommable environnement des millions de laissés-pour-compte de l'Inde en marche.

Mon avis

Dans ce livre que je qualifierai de "choral", il y a du très bon, et du très indigeste. Tous les tessons de la mosaïque ne se valent pas.

Commençons par le début. Il est ... hard. J'ai rarement vu un protagoniste se rendre antipathique aussi vite et de manière aussi violente. Il est arrogant, snob et misogyne en moins de 30 pages, et ne s'arrange pas après, sans les "qualités rédemptrices" qui nous font aimer, par exemple, un Sherlock Holmes ou un Sheldon Cooper. Ça se pose là. Lui est juste médiocre et se croit sorti de la cuisse de Jupiter. Il a une haute opinion de lui-même, tous les autres sont hauts en couleur et caricaturaux à côté. J'ai dû me faire violence pour ne pas abandonner. Sans ses remarques misogynes et dégradantes, le bouquin aurait été plus court sans qu'on perde au change.

Mais heureusement... Ce protagoniste détestable n'est qu'un parmi 5 ou 6. Dès que le livre parle d'autre chose, se concentre sur un autre personnage, ça devient super intéressant. Ça tient à la structure du livre : on alterne entre le point de vue du journaliste victime d'une tentative d'assassinat et le récit du parcours hétéroclite de ses assassins. En revenant à chaque fois sur le journaliste, avec une chronologie si confuse que je décrochais en attendant qu'on revienne aux personnages véritablement intéressants du bouquin.

L'histoire de ces assassins, puisque c'est le titre du bouquin, est empreinte de misère, d'injustice, d'inégalités. Les assassins semblent inexorablement conduits au jour fatidique, sans aucune porte de sortie. Cela permet à l'auteur de décrire la société stratifiée et inégalitaire de son pays.

D'où ma théorie : l'auteur a voulu rendre détestable le personnage avec un statut social plus important, celui qu'on est censé soutenir, pour qu'on ait plus de sympathie pour les assassins (c'est clairement le cas). Mais c'est excessivement mal dosé et à vomir.

Autre remarque que je classerai, je pense, dans la colonne des différences culturelles, il y a aussi une fixette sur le pénis dans ce bouquin, j'étais, dirons-nous déconcertée (et gavée), surtout que ça revient assez souvent. Sans oublier une fixette sur le viol et le viol punitif, mais ça, hors de question de le mettre dans les différences culturelles, ça pue, point, et c'est très dur à lire en tant que femme.

Bref, un protagoniste à vomir et des assassins au parcours émouvant, pour une lecture inégale, avec quelques beaux moments de bravoure. Si vous avez du mal, passez directement au chapitre 2, vous ne perdez pas grand-chose.

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Petit aparté pour ceux qui comprennent suffisamment l'anglais. En lisant, j'ai beaucoup pensé à cette vidéo très intéressante de Literature devil :

Elle se penche sur les différences entre la narration occidentale et orientale, à commencer par le cœur du récit, une différence très nette ici : en occident, le conflit est au cœur du schéma narratif, tout s'articule autour de lui (ici, la tentative d'assassinat). Pas dans la narration orientale, qui s'intéresse davantage aux personnages. Ici, la tentative d'assassinat, ses raisons ou même son déroulement, n'est absolument pas le cœur du roman, même le narrateur et premier concerné s'en fout. Ce qui nous intéresse, c'est la vie de chacun. Un auteur occidental aurait structuré son roman de façon très différente. C'est aussi pour ça que j'aime lire des livres de différents pays.

vendredi 8 janvier 2021

Carbone modifié (Altered Carbon) - Richard Morgan

  • Un pilote bizarre sur Netflix qui me fait décrocher. 
  • Une chronique de Nexus VI qui éveille ma curiosité.
  • Une belle-mère qui voulait faire plaisir à Noël... et l'a certainement regretté après avoir vu ma wishlist :)

Et voilà comment ce bouquin a atterri sur ma table de chevet.


L'histoire

Dans un avenir pas si lointain, la mort n’est plus définitive : vous pouvez sauvegarder votre conscience et vos souvenirs et les réimplanter dans un nouveau corps. De fait, pour Takeshi Kovacs, mourir n’est plus qu’un accident de parcours : il a déjà été tué plusieurs fois. C’étaient les risques du métier dans les Corps diplomatiques, les troupes d’élite du Protectorat des Nations unies expédiées à travers la galaxie. Mais cette fois, on le ramène sur Terre pour mener l’enquête : un riche magnat veut élucider sa propre mort. La police a conclu au suicide. Or, pourquoi se suicider quand on sauvegarde son esprit tous les jours, certain de revenir parmi les vivants ?

Mon avis
J'ai vraiment adoré le style noir et percutant, trash, qui m'a fait penser à James Ellroy. Mais aussi l'humour qui va avec.

L'auteur nous propose tout un univers qui nous agrippe très rapidement. J'ai trouvé l'exposition particulièrement réussie, par petite touches, sans jamais nous sortir de l'histoire. Cet univers est dépeint sur fond d'intrigue policière qui nous permet de tout explorer, des sommets aux bas-fonds, et sait passer au second plan quand l'auteur veut nous intéresser à autre chose.

Et comme toute bonne œuvre de SF qui se respecte, l'intérêt surtout, ce sont les problématiques sur lesquelles on nous invite à réfléchir, notamment ce qui fait de nous des humains et les inégalités sociales poussées à leur extrême.

En bref, je recommande, autant pour le style que pour cet univers sombre et cette humanité en bout de course qui nous ferait presque regretter 2020 (oui, ok, là j'y vais un peu fort).

Fatalement, il y a des suites, il va falloir que je me penche sur la question.

Quid de la série

J'avais vu le pilote sans trop piger grand chose quand il est sorti, puis j'ai décidé de réessayer avant d'écrire cette chronique. Verdict, elle est assez sympa à regarder, sans avoir la qualité d'écriture ni la puissance du bouquin. J'ai mieux apprécié le pilote, mais parce que je m'appuyais sur le bouquin pour suivre, ce qui n'est pas vraiment un bon point. A noter quand même la grande diversité du casting, encore trop rare de nos jours.

J'ai trouvé bien que la série essaie d'explorer davantage le passé du héros, ce que j'aurais voulu voir dans le bouquin. Mais ce faisant, elle change des éléments clés, ce qui fait que tout perd son sens. Autant j'adore quand des adaptations approfondissent des passages du bouquin original, par exemple Le prestige, mais ça perd tout son intérêt quand on ne peut pas transposer les nouvelles idées au bouquin, on n'est carrément plus dans la même réalité.

Et ce que le visuel à la Blade Runner m'inspire, comme à chaque fois, c'est "Est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Ne devrait-on pas commencer à chercher le bouton reset si c'est le futur qui nous attend ?"

Pour ce qui est de la saison 2, autant je trouve qu'Anthony Mackie donne plus de profondeur au personnage, autant je trouve que les problématiques de l'univers sont décidemment trop laissées de côté pour laisser place à une histoire très personnelle, dommage. L'intrigue pourrait se passer exactement au même endroit que la première saison alors que ce n'est pas la même planète. On voit venir les "plot twists" un épisode à l'avance et on s'ennuie.

Je vous renvoie à l'excellent Nexus VI, qui m'a fait découvrir le bouquin et qui développe très bien. Avec lecture d'un passage qui m'avait aussi collé des frissons quand je l'ai lu, je valide le choix !

mardi 5 janvier 2021

Parmi les tombes - Tim Powers

Je me rends compte que j'ai pris pas mal de retard dans la saisie de mes chroniques. Non pas que je n'ai rien lu depuis cet été, mais visiblement les notes ne se sont pas mises en forme toutes seules. Bizarrement.

Alors je vous souhaite une très belle année 2021 et prenons comme bonne-résolution-qu'on-ne-tiendra-pas-personne-n'est-dupe de se mettre un peu à la page !


L'histoire

Londres, 1862. Une ancienne prostituée nommée Adelaïde frappe à la porte de John Crawford, dont elle a croisé la route autrefois. La fillette née de leur brève union aurait survécu... mais son âme est prisonnière d’un spectre vampirique. Ce monstre assoiffé de sang n’est autre que John Polidori, jadis médecin de Lord Byron, le scandaleux poète. Le passé de Crawford et d’Adelaïde est lié au monde des ombres, faisant de leur enfant un trophée convoité par l’esprit maléfique. Déterminé à sauver sa fille, le couple maudit s’allie à la poétesse Christina Rossetti et à son frère, le peintre Dante Gabriel Rossetti, eux aussi tourmentés par Polidori depuis l’enfance. Chacun devra choisir entre la banalité d’une existence humaine et l’immortalité sacrilège...

Mon avis

Cet essai de changement de registre n'a pas été une très grande réussite. L'histoire est sympa et ça aurait pu être super, mais je n'ai jamais réussi à accrocher, problème de rythme je pense. Le début est très confus, selon moi, il y a trop de personnages principaux, ce qui fait qu'on s'y perd. De plus, je les ai trouvés assez quelconques. Aucun n'était suffisamment sympathique, brillant ou antipathique pour capter l'intérêt, et leurs rapports entre eux me semblaient peu naturels, forcés. 

Ce qui a donné une lecture laborieuse, je me suis prise à dire "Mais en fait, on s'en fout...", ce qui n'est pas très engageant et c'est difficile de revenir de ce genre d'impression qui donne plutôt envie d'arrêter en plein milieu (ça m'est pourtant arrivé il n'y a pas longtemps, suite au prochain épisode). 

Pour faire simple, une déception, une intrigue qui repose surtout sur ses personnages qui m'ont laissée de marbre (comme les tombes, vous l'avez?).


Ok, on ne commence pas l'année en fanfare, mais promis, j'ai deux ou trois coups de coeur dans les cartons :)

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