vendredi 12 février 2021

Baguettes chinoises - Xinran

Ce n'était pas prévu à la base, mais voici une deuxième escale du tour du monde pour février, cette fois-ci, en Chine! Et oui, ce mois-ci, c'est le nouvel an chinois, avec l'année du boeuf.

L'occasion aussi de tester quelques nouvelles recettes sur mon blog culinaire, si le cœur vous en dit. 

Par exemple, du poulet au gingembre, sésame et miel

Mais revenons à nos baguettes. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, on ne parlera pas de cuisine (enfin, un peu, mais ce n'est pas le sujet central, même si ça bouffe, dans ce bouquin !).

L'histoire

"Je vais leur montrer, moi, à tous ces villageois, qui est une baguette et qui est une poutre !" C'est ce cri qui a donné envie à Xinran d'écrire cette histoire. Celle, lumineuse, chaleureuse, émouvante, de trois sœurs qui décident de fuir leur campagne et le mépris des autres, pour chercher fortune dans la grande ville. Trois, Cinq et Six n'ont guère fait d'études, mais il y a une chose qu'on leur a apprise : leur mère est une ratée car elle n'a pas enfanté de fils, et elles-mêmes ne méritent qu'un numéro pour prénom.

Mais quand les trois sœurs quittent leur foyer pour chercher du travail à Nankin, leurs yeux s'ouvrent sur un monde totalement nouveau ; les buildings et les livres, le trafic automobile, la liberté de mœurs et la sophistication des habitants...

Mon avis

Et oui, c'est un coup de cœur. A quoi reconnait-on un coup de cœur, me demandez-vous ? Et bien par exemple, quand on pause plusieurs fois en pleine lecture pour dire tout haut "ohlala mais qu'il est bien ce livre". Je développe ou ça vous suffit ?

Commençons par le contexte. L'autrice est une journaliste chinoise qui a émigré à Londres. Le prologue ressemble plutôt à une préface et nous explique l'idée du roman et le titre : ce n'est donc pas une métaphore culinaire, mais plutôt une illustration de la façon dont sont considérées les femmes dans les campagnes chinoises. Si les garçons sont les poutres qui soutiennent la maison, les filles sont des baguettes jetables et facilement remplaçables.

Inutile de vous dire que l'autrice n'est pas vraiment de cet avis. Elle s'est inspirée de l'histoire de trois femmes qu'elle a rencontrées pour créer ses soeurs. A travers leur regard, on croise de nombreux personnages, chacun représente une facette de la société, leur histoire permet de dépeindre les transformations du pays au cours du siècle écoulé, les ravages de la révolution culturelle...

Le livre nous dépeint très bien les différences entre ville et campagne dans les années 90, tant du point de vue du mode de vie que de la culture, des règles, de la liberté et de la place des femmes. Il y a beaucoup de comique autour des homophones en chinois, très bien rendu par la traduction, je trouve.

Le livre n'omet pas d'expliquer que beaucoup de filles de la campagne sont exploitées en arrivant en ville, on profite de leur isolement et de leur naïveté, mais l'autrice a préféré faire rencontrer à nos sœurs des personnages empreints de bienveillance et de compréhension, ce qui donne un message super positif qui fait du bien à lire.

J'ai fini les larmes aux yeux ce livre très émouvant, même si j'avoue être un peu déstabilisée par l'épilogue aigre-doux : l'autrice reparle à la première personne et nous raconte le destin des femmes qui ont inspiré nos personnages. D'un côté il est utile à ce récit ancré dans la réalité, de l'autre, il m'a fait redescendre de mon petit nuage.

Une étape du tour du monde

mercredi 3 février 2021

Une disparition inquiétante - Dror Mishani

J'aurai donc tenu au moins deux mois pour ma résolution de Un mois, un nouveau pays, puisque nous voici avec un polar israélien pour le Tour du monde. Ces dernières années, après en avoir beaucoup lu, je ressens une certaine lassitude vis-à-vis des polars (en tout cas US/européens, puisque c'est de cela qu'il s'agit) souvent construits sur la même formule. C'était l'occasion de voir si ailleurs, l'herbe est plus verte, en somme.

L'histoire
Ofer Sharabi n’est pas rentré de l’école. Le commandant Avraham Avraham, alerté par la mère d’Ofer, n’est pas plus inquièt que ça : les adolescents fuguent volontiers. Quelques jours plus tard, après l’enquête de routine et une battue infructueuse dans le quartier de Holon où vit la famille Sharabi, il faut se rendre à l’évidence : il s’agit bien d’une « disparition inquiétante ». Le policier, rongé par ses problèmes existentiels, est loin d’aborder l’affaire avec sérénité et lucidité. Il n’a même pas repéré le comportement étrange de Zeev, le voisin prof d’anglais qui donnait des cours particuliers à Ofer. Dans cette banlieue modeste de Tel-Aviv, chacun a quelque chose à cacher.

Mon avis

L'enquêteur commence par nous expliquer "qu'il n'y pas de littérature policière en Israël". Je sais pas vous, mais j'aime beaucoup ce qui est méta, alors voici de quoi me mettre en de bonnes dispositions.

J'ai beaucoup aimé la structure du roman : d'un chapitre à l'autre, on passe de l'enquêteur à un témoin chelou (décrivons le comme ça), qui s'expriment chacun à la première personne. Ce qui a tendance à embrouiller en début de chapitre et j'ai trouvé que cette confusion des lignes donne un effet très intéressant, c'est bien fait. Nous n'avons pas ici un whodunnit, l'intrigue met l'accent sur les monologues intérieurs des deux narrateurs, c'est un angle super intéressant.

La construction du bouquin, que je ne développerai pas pour ne pas spoiler, fait qu'on se détache de la recherche du tueur (enfin, comme l'indique le titre, pas de cadavre, mais un disparu, ce qui nous épargne les descriptions morbides et voyeuses, ça aussi ça change), d'habitude centrale dans ce genre de bouquins, et on peut s'intéresser à autre chose.

Ville d'Holon, lieu de l'enquête
Niveau décors, ça dépayse aussi, ça change de la neige, de la pluie et de la gadoue

J'ai trouvé le personnage du détective, avec son nom ridicule, intéressant. Il est monomaniaque et n'a rien en dehors du boulot, mais il n'est pas présenté comme un super héros aux éclairs de génie. On a une enquête qui traine, des labos scientifiques avec des délais pas possibles, un détective faillible, de la confusion et du doute jusqu'à la dernière ligne. Ce qui me parait plus réaliste. 

Parlant de confusion et de doute, j'ai émis plusieurs théories au cours de la lecture, toutes fausses, mais la fin ouverte me laisse penser que certaines auraient tout à fait eu leur place (là encore, je ne peux pas en dire trop sans spoiler).

Et tout cela ne se fait pas au détriment du suspens, car on aurait envie de le lire d'une traite (ce qu'on pourrait faire si on ne s'endormait pas dessus comme une mamie avec les poules, mais le livre n'y est pour rien).

Quoi qu'on en pense, au moins, on n'a pas l'impression d'avoir lu ça 15 fois. Alors je recommande et j'aurais bien envie d'en lire un autre du même auteur.

Une étape de mon tour du monde
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