vendredi 10 juin 2022

Nouveau : invitation au Book Club inclusif

 Hello !

Vous ne le savez peut-être pas, mais entre deux lectures, je suis traductrice et rédactrice spécialisée en communication inclusive, également appelée écriture inclusive. Je préfère préciser tout de suite que non, il ne s'agit pas de mettre des petits points partout au pif, MAIS il s'agit de faire en sorte que la langue soit plus représentative de la diversité de notre société.


Avec un groupe de collègues également spécialisées dans le domaine, nous sommes arrivées au constat qu'on nous propose toujours les mêmes récits, les mêmes auteurs... stop ! Nous avons décidé de créer un club de lecture sur la thématique de la diversité, de l'inclusivité et du féminisme. 

Si ça vous intéresse, nous avons créé un espace Notion collaboratif avec un serveur discord.

  • Un sondage pour choisir ensemble la prochaine lecture
  • Une réunion par mois pour discuter du livre en cours, et des discussions plus informelles au gré des envies
  • Une lecture tous les deux mois

Pour la première, nous vous proposons de choisir entre

  • Americanah, de Chimamanda Ngozi Adichie
  • Femmes invisibles - Comment le manque de données sur les femmes dessine un monde fait pour les hommes, de Caroline Criado-Perez
Verdict le 20 juin

N'hésitez pas à nous rejoindre, toutes les infos sont sur l'espace Notion.

Ce n'est pas un fleuve, de Selva Almada

Aujourd'hui, je vous retrouve avec une étape de mon tour du monde, direction l'Argentine !

L'histoire 
Le soleil, l’effort tapent sur les corps fatigués de trois hommes sur un bateau. Ils tournent le moulinet, tirent sur le fil, se battent pendant des heures contre un animal plus fort, plus grand qu’eux, une raie géante qui vit dans le fleuve. Étourdis par le vin, par la chaleur, par la puissance de la nature tropicale, un, deux, trois coups de feu partent.
Dans l’île où ils campent, les habitants viennent les observer avec méfiance, des jeunes femmes curieuses s’approchent. Ils sont entourés par la broussaille, par les odeurs de fleurs et d’herbes, les craquements de bois qui soulèvent des nuées de moustiques près du fleuve où le père d’un des trois hommes s’est noyé. Ils se savent étrangers mais ils restent.
À chaque page, le paysage, les éléments façonnent le comportement et la psychologie des personnages qui confondent le rêve et la réalité, le présent et les souvenirs dans la torpeur fluviale.

Mon avis


Un roman très court qui se distingue par son style très particulier, tout en narration, même les dialogues ! C'est un peu déstabilisant au début, mais on s'y fait vite et ça donne un format très original. La trame n'est pas linéaire, on va et vient entre passé et présent, les fils de l'écheveau s'entrecoupent... Il ne faut donc pas hésiter à relire plusieurs fois les paragraphes ou retourner quelques pages en arrière de temps en temps.

Nous suivons donc l'histoire de trois hommes qui ne sont pas du coin, mais paradoxalement, le personnage le plus présent est le 4e (comme les mousquetaires !), le père de Tilo, dont on découvre le destin tragique au fil des pages : les autres vivent dans son souvenir, comme si la vie s'était arrêtée lors de cette nuit tragique. Ces 3 (ou 4) hommes, c'est vraiment le genre de mecs qu'on aime (non), qui picole avant de nettoyer son flingue et pense qu'une femme, ça sert à lui laver ses slips. Pas exactement mes protagonistes préférés, mais bon. Heureusement l'histoire nous parle aussi du quotidien de femmes, ça équilibre. D'ailleurs, ça m'amène à un constat très bizarre (je ne sais pas si c'est uniquement dû à la traduction ou si l'original est comme ça aussi) : quand le livre décrit des hommes, on dirait vraiment que c'est écrit par un homme, et vice-versa, les femmes et leur quotidien sont décrits comme rarement un homme sait le décrire. Par contre, fatalement, les mecs sont décrits comme des gros porcs sans  que le récit prenne vraiment de distance avec ça, ce qui m'a un peu gênée.

Le titre signifie : "Ce n'est pas un fleuve.. c'est ce fleuve en particulier, qui rythme la vie des pêcheurs du coin". J'ai trouvé la fin un peu confuse, je ne suis pas sûre d'avoir compris (et apparemment, je ne suis pas la seule).

Pour résumer, un livre qui se lit pour le style vraiment très original plus que pour le fond, et je pense qu'il plaira d'autant plus aux amateurs et amatrices de poésie.


Une étape de mon Tour du monde

vendredi 3 juin 2022

Mots immigrés - Erik Orsenna et Bernard Cerquiglini

 Je reviens sur une lecture très courte lue pour le club de lecture de la biblio. Le moins qu'on puisse dire, c'est que j'en reste perplexe.

L'histoire

À l’heure où revient le débat sur l’identité, avec des opinons opposées de plus en en plus violentes, Erik Orsenna a voulu, par la voie du conte commencée avec sa Grammaire est une chanson douce, raconter l’histoire de la langue française. Pour une telle ambition, le savoir lui manquait. Bernard Cerquiglini, l’un de nos plus grands linguistes et son ami de longue date, a bien voulu lui apporter ses lumières aussi incontestées que malicieuses.

Et nous voilà partis, deux millénaires en arrière, chez nos ancêtres les Gaulois dont les mots sont bientôt mêlés de latin, puis de germain. Avant l’arrivée de mots arabes, italiens, anglais... Un métissage permanent où chaque langue s’enrichit d’apports mutuels. Jusqu’à ce que déferle une vague de vocables dominateurs nés de la mondialisation économique et inventés pour son service. Ce globish aura-t-il raison de la diversité linguistique, aussi nécessaire à nos vies que cette biodiversité dont nous avons appris à reconnaître l’importance capitale, et la fragilité ? 

Et si les mots immigrés, c’est à dire la quasi-totalité des mots de notre langue, s’ils décidaient de se mettre un beau jour en grève ? Ce jour-là, les apôtres de cette illusoire pureté nationale deviendraient muets. Il n’est pas interdit d’en rêver…

Mon avis

D'abord, la forme : j'ai bien aimé l'angle du conte, qui se déroule dans une réalité alternative à peine différente de la nôtre, à la veille des élections présidentielles (le bouquin est paru en février 2022). C'est léger, ça se lit bien et très vite, un bon moment en perspective et un beau message de fond sur la tolérance et la diversité. 

MAIS, car il y a un mais, un gros mais qui m'a fait rester sur mes gardes pendant toute la lecture... Ce livre est co-écrit par un académicien. Ça m'a "perturbée" qu'un message aussi pertinent et nécessaire vienne d'un académicien, dont les membres nous ont plus habitués à leur conservatisme et leurs analyses linguistiques claquées au sol qu'à leur ouverture d'esprit. 

Vous savez, ceux qui taxent de péril mortel les nanas qui ont envie qu'ont leur parle au féminin. Qui ont décrété que le masculin l'emporte sur le féminin car l'homme est plus noble que la femme (analyses linguistiques d'une finesse qui ne date pas d'hier, donc). Maintenant, l'un de leurs éminents membres vient nous dire que la langue vit par la diversité et l'apport de nouveaux termes en cassant le mythe de la langue pure prétendument abâtardie par des emprunts. Comme je ne suis plus un lapin de trois semaines, forcément, je me suis méfiée en me demandant où était cachée la caméra et pendant combien de temps ce vernis progressiste allait tenir.

Réponse : ça tient 110 pages avant de se prendre les pieds dans le tapis. Les vagues de mots des siècles passés c'est cool, mais aujourd'hui c'est pas pareil. Il y a les bons anglicismes et les mauvais anglicismes, suivez un peu. Et les jeunes-de-nos-jours-ma-bonne-dame ont un vocabulaire qui s'appauvrit (alors que les jeunes des siècles passés avaient simplement un vocabulaire qui évolue avec l'immigration et l'histoire). Comment, pourquoi ? J'ai pas compris. Le français s'appauvrit, c'est la catastrophe, mais si on crée ou se réapproprie de nouveaux mots c'est un scandale. Décidez vous.

La fin du bouquin est un réquisitoire sur la "novlangue" des startups. Mais manque complètement sa cible. Le problème c'est le capitalisme et l'hypermondialisation, pas les mots. En dehors de la startup nation, personne ne surabuse de ce jargon "corporate". C'est à se demander où évoluent les auteurs pour penser que tout le monde parle ainsi.

Cette fin à côté de la plaque gâche complètement l'ensemble du livre et son message, bravo ! Vive les langues vivantes, et réjouissons-nous qu'une poignée de privilégiés ne puissent pas nous empêcher de choisir nos mots (et à bas la startup novlangue).

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