samedi 9 janvier 2021

Histoire de mes assassins - Tarun Tejpal

Toujours dans la famille retard de chroniques, retrouvons-nous aujourd'hui avec un drôle de bouquin, qui nous vient d'Inde. 


TW : si les questions de viol et violences sexuelles vous "trigger", il vaut sans doute mieux éviter ce bouquin.

L'histoire

Aujourd'hui à Delhi il y a un homme à abattre. Ce journaliste apprend par un flash d'informations, un dimanche matin, qu'il vient d'échapper à la mort et que 5 assassins ont été arrêtés. Il ignore pourquoi on a voulu le tuer. Est-ce parce qu'il a révélé une affaire de corruption au sein du gouvernement indien dans les colonnes de son magazine, ou bien seraient ce les services secrets pakistanais qui auraient décidé de le supprimer? Protégé par une escouade de policiers et assisté de ses avocats, il se retrouve bientôt face à ses tueurs. Tout oppose la vie de ces dangereux criminels nés des entrailles de l'Inde du Nord prêts au crime pour quelques roupies, à celle de l'homme qu'ils devaient éliminer. Chaku, l'as du couteau, Kabir M, l'héritier musulman de la Partition sanglante de 1947, Kalya, l'enfant serpent, Chini son complice de rapines dans la gare de Delhi, et Hathoda Tyagi qui tue au marteau, ont grandi dans la cruauté impitoyable et l'innommable environnement des millions de laissés-pour-compte de l'Inde en marche.

Mon avis

Dans ce livre que je qualifierai de "choral", il y a du très bon, et du très indigeste. Tous les tessons de la mosaïque ne se valent pas.

Commençons par le début. Il est ... hard. J'ai rarement vu un protagoniste se rendre antipathique aussi vite et de manière aussi violente. Il est arrogant, snob et misogyne en moins de 30 pages, et ne s'arrange pas après, sans les "qualités rédemptrices" qui nous font aimer, par exemple, un Sherlock Holmes ou un Sheldon Cooper. Ça se pose là. Lui est juste médiocre et se croit sorti de la cuisse de Jupiter. Il a une haute opinion de lui-même, tous les autres sont hauts en couleur et caricaturaux à côté. J'ai dû me faire violence pour ne pas abandonner. Sans ses remarques misogynes et dégradantes, le bouquin aurait été plus court sans qu'on perde au change.

Mais heureusement... Ce protagoniste détestable n'est qu'un parmi 5 ou 6. Dès que le livre parle d'autre chose, se concentre sur un autre personnage, ça devient super intéressant. Ça tient à la structure du livre : on alterne entre le point de vue du journaliste victime d'une tentative d'assassinat et le récit du parcours hétéroclite de ses assassins. En revenant à chaque fois sur le journaliste, avec une chronologie si confuse que je décrochais en attendant qu'on revienne aux personnages véritablement intéressants du bouquin.

L'histoire de ces assassins, puisque c'est le titre du bouquin, est empreinte de misère, d'injustice, d'inégalités. Les assassins semblent inexorablement conduits au jour fatidique, sans aucune porte de sortie. Cela permet à l'auteur de décrire la société stratifiée et inégalitaire de son pays.

D'où ma théorie : l'auteur a voulu rendre détestable le personnage avec un statut social plus important, celui qu'on est censé soutenir, pour qu'on ait plus de sympathie pour les assassins (c'est clairement le cas). Mais c'est excessivement mal dosé et à vomir.

Autre remarque que je classerai, je pense, dans la colonne des différences culturelles, il y a aussi une fixette sur le pénis dans ce bouquin, j'étais, dirons-nous déconcertée (et gavée), surtout que ça revient assez souvent. Sans oublier une fixette sur le viol et le viol punitif, mais ça, hors de question de le mettre dans les différences culturelles, ça pue, point, et c'est très dur à lire en tant que femme.

Bref, un protagoniste à vomir et des assassins au parcours émouvant, pour une lecture inégale, avec quelques beaux moments de bravoure. Si vous avez du mal, passez directement au chapitre 2, vous ne perdez pas grand-chose.

---

Petit aparté pour ceux qui comprennent suffisamment l'anglais. En lisant, j'ai beaucoup pensé à cette vidéo très intéressante de Literature devil :

Elle se penche sur les différences entre la narration occidentale et orientale, à commencer par le cœur du récit, une différence très nette ici : en occident, le conflit est au cœur du schéma narratif, tout s'articule autour de lui (ici, la tentative d'assassinat). Pas dans la narration orientale, qui s'intéresse davantage aux personnages. Ici, la tentative d'assassinat, ses raisons ou même son déroulement, n'est absolument pas le cœur du roman, même le narrateur et premier concerné s'en fout. Ce qui nous intéresse, c'est la vie de chacun. Un auteur occidental aurait structuré son roman de façon très différente. C'est aussi pour ça que j'aime lire des livres de différents pays.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...